lundi 25 juin 2012

Amap, questions et réflexions.



Vendredi soir, à une distribution :
"Vos paniers sont trop légers. Je voudrais rompre mon contrat, vous ne respectez pas votre engagement".
Loin de moi l'idée d'en vouloir à cette personne. Mais après ce début d'année assez catastrophique pour nous ( et nombre de maraîchers), je suis encore toute étonnée de cette demande.
Les engagements de l'amap sont clairs : la solidarité avec le producteurs en cas d'aléas climatiques, de ravageurs...qui peuvent affecter la récolte. Et encore, bien que notre trésorerie ne nous le permette pas, nous avons racheté des légumes à des collègues pour compléter nos paniers. Alors en  recherchant sur internet les principes fondateurs de l'amap (des fois que je me serais trompée), je suis tombée sur cette lettre d'une productrice en amap. Il y a dedans des choses qui la concerne plus spécifiquement, mais c'est un bon rappel de ce que c'est que l'amap. Pas un simple panier de légumes acheté au producteur d'à coté. Oui il y a de l'engagement. Parce que sans engagement, c'est cette agriculture que nous représentons qui disparaîtra.
Voilà, c'est là :

Réflexions et conseils d'une maraîchère en AMAP

Elisabeth Carbone, jardinière du Jardin d'ADELES - Pessac - 33
«J'en ai marre d'avoir des courgettes chaque semaine», «Y a pas assez de courgettes»,
«Pourquoi on n'a jamais de carottes ? », « Je fais quoi moi, pour ma petite famille, d'un demi
chou, un mini pâtisson et de 3 feuilles de blette ? », « Comment on cuisine les choux raves ? », «
J'aime pas les épinards » ou « j'aime pas le céleri, mais j'adore les épinards », ou « mes enfants
n'aiment pas ceci, cela », « J'ai pas le temps de cuisiner », « J'ai oublié l'heure de la
distribution » (ndlr : pas celle du cours de danse !),« Y a pas assez de légumes dans le panier par
rapport au prix qu'on paye », « faut pas être sortir de la cuisse de Jupiter pour semer 3 radis »,
mais aussi : « moi, j'arrive pas à avoir le moindre radis chez moi, c'est pas si simple la culture
des légumes »,...
Autant de remarques qu'on entend pendant les distributions...
Alors je me questionne : Chacun a t il bien compris ce qu'est une AMAP ?
Le contrat d'engagement a-t-il été bien lu ? La motivation réelle de chacun à choisir ce système
est il un vrai désir de soutien à une agriculture locale et de qualité et d'assurer un revenu
décent aux producteurs ? La situation particulière du Jardin d' ADELES, avec ses difficultés estelle
connue des adhérents ? Chacun a-t-il bien conscience de la pénibilité du travail de la terre ?
Si chacun se doute bien, vaguement, qu'un agriculteur travaille beaucoup, par contre la plupart
ignore le stress intense de ce métier. On imagine une vie au calme, proche de la nature, en rythme
avec les saisons,... Et pourtant le stress est quotidien ! Qui n'a pas vu un paysan scruter le ciel
avec angoisse quand les 4 de ses récoltes ont déjà été déchiquetés par la grêle ? Ou bien
inquiet parce que les matinées sont trop froides pour la saison ? On le sait bien : les paysans se
plaignent toujours du temps !... Et puis il y a aussi les ravageurs ; attaque de piérides du chou, de
doryphores, un mulot dans les semis,... les chevreuils, et j'en passe (vols, entre autres)... Comme on
dit : «Tant que le grain n'est pas dans le grenier...»...
En AMAP se rajoute à tout cela le stress de remplir les paniers. Parce qu'il faut savoir que si les
consommateurs s'engagent (c'est dans le contrat) même si les paniers sont petits, même voire
vides ; aucun producteur ne vit bien dans sa tête de ne pas offrir des paniers largement garnis et
diversifiés...
Alors quand le maraîcher n'est déjà pas satisfait lui-même de ses panier et que là où il aurait pu
espérer être soutenu et encouragé par les consommateurs, il reçoit finalement surtout des remarques
et des critiques, c'est un stress supplémentaire, dont il se passerait bien !... Certes en AMAP il y
a l'assurance d'un revenu et c'est une réelle évolution, mais c'est
bien souvent au prix d'une telle accumulation de stress supplémentaire...
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AVANT DE VOUS ENGAGER DANS UNE AMAP, IL. EST NECESSAIRE DE BIEN PRENDRE
CONSCIENCE DU CHANGEMENT QUE CELA ENTRAINERA DANS VOTRE VIE DE TOUS
LES JOURS ET DE PRENDRE LE TEMPS DE BIEN REFLECHIR. IL VOUS FAUT :
*- **Savoir ce qu'est une AMAP et ce a quoi vous vous S'engagez* (et non espérer avoir des
légumes moins chers, car ce n'est pas le but d'une AMAP...)
*- **Bien vous renseigner sur l'AMAP que vous choisissez*, discuter avec les anciens adhérents.
Savoir que ce n'est pas du tout le même engagement de *choisir un producteur installé* de
longue date *ou un qui démarre*. Il faut en être conscient et bien réfléchir à votre capacité
d'engagement (financier, coups de main,..).
*ATTENTION !* Ce n'est pas non plus le même engagement *quand il s'agit d'un nouveau
terrain*, comme à Terre d'ADELES par exemple. C'est une belle aventure à mettre en place ;
mais le rendement est très incertain, l'investissement personnel en temps y sera forcément plus
grand (pour les maraîchers, mais aussi logiquement pour les adhérents). Notre terrain en l'occurrence
est presque une tourbière, qui demanderait 2 à 3 ans pour avoir de meilleurs rendements (et nous
allons encore changer de terrain !...).
*Le lieu de la production* *est donc* *aussi un choix.* Si on choisit une production très locale,
en ce qui concerne Pessac, on restera de toutes façons dans des terres sableuses, on ne peut
pas espérer le même rendement dans le sable que dans des terres d'alluvion (donc moins de
rendement devrait se traduire en AMAP par coût des légumes plus élevé si basé, comme cela
devrait être, sur les charges réelles - mais c'est un autre débat...).
*- Bien lire le contrat !* Et si vous le signez, être d'accord sur son contenu et tenir vos
engagements, comme les producteurs s'engagent à tenir les leurs.
*- **Savoir qu'il faudra venir chercher votre panier à jour et heure fixes, ceci chaque semaine !
• Ce qui n'est pas plus compliqué que d'aller chaque semaine à un cours de danse, c'est juste
une habitude à prendre. Mais attention à s'organiser pendant les vacances (amis ou famille ou
autre adhérent de l'AMAP).
*- **Savoir que vous ne choisirez pas le contenu de votre panier*. Ça veut dire que s'il y a
certains légumes que vous n'aimez pas, il faudra soit vous débrouiller pour les échanger avec
d'autres adhérents, soit apprendre à les apprécier à l'aide de nouvelles recettes. Vu la
diversité des goûts dans un groupe de consommateurs, il est impossible au producteur de
s'adapter à chacun !
*- **Savoir que vous n'aurez pas la même quantité de légumes tout au long de l'année*.
Puisque vos producteurs cultivent des légumes de saisons et que vous n'aurez pas de légumes
qui viennent d'Espagne par exemple. Il y a en France, beaucoup plus d'espèces de légumes qui
poussent en été et à l'automne qu'en hiver et au printemps (on trouve des tableaux avec la
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liste des légumes de saison). Variétés ET quantités varient donc beaucoup dans les
paniers en fonction des saisons.
*- **Savoir que vous n'aurez pas la diversité que l'on a sur un marché*. Vous ne pouvez pas
attendre du producteur qu'il arrive à produire tout seul ce que l'on trouve sur un marché
entier ; c'est-à-dire qu'il réussisse aussi bien ses carottes que ses épinards, que ses choux,
etc...
Alors *il y aura certains légumes en abondance* (il y a beaucoup de recettes qui permettent
d'accommoder de manière très variées le même légume), *et d'autres qu'il n'y aura pas ou
très peu*, avec parfois de petites portions dans le panier pour partager entre tous...
Cela peut être dû à une erreur du producteur, mais il fait toujours de son mieux pour diversifier
ses cultures. Ce qui nécessite d'ailleurs de sa part un gros travail de
programmation de celles-ci ; il est évident que jamais un maraîcher n'aura prévu 3 kilos de
courgettes dans les paniers chaque semaine et pas d'aubergines par exemple ; un des avantages
de l'AMAP c'est que rien ou presque n'est jeté (pas de gâchis), mais si le rendement
de courgettes est 3 fois supérieur aux prévisions, elles seront dans vos paniers !...
Le rendement dépend beaucoup du sol, des ravageurs, de la qualité de la semence,... et
surtout du temps !
En ce qui concerne les tomates cette année par exemple, dans le Sud Ouest cela a été une
catastrophe...
Et puis il faut savoir aussi que les adhérents de Terre d'ADELES en particulier, bénéficient
cette année des compétences de ses administrateurs, et des subventions ainsi obtenues : ils
ont quand même des paniers relativement bien remplis, car complétés par d'autres producteurs.
Dans une véritable AMAP, solidaires du maraîcher qui n'aurait pas les moyens de compenser
les manques en achetant des légumes ailleurs, les paniers seraient beaucoup moins remplis...
*- **Savoir qu'il faudra vous remettre à cuisiner !* Les maraîchers ne savent pas encore
cultiver des légumes tous cuits (d'ailleurs la plupart peuvent se consommer cru et sont
meilleurs pour votre santé ainsi) !
Comme la récolte est partagée entre tous, cela donne parfois des petites quantités de
légumes (200g de haricots Coco par exemple !). De nombreuses recettes existent pour des
plats excellents avec un mélange de légumes (ne serait-ce que la soupe au pistou, absolument
délicieuse et qui s'accorde avec tous les légumes) ; les producteurs vous en donnent quelques
unes ; sinon Internet déborde de propositions culinaires meilleures les unes que les autres. Et
vous pouvez communiquer aux autres amapiens vos bonnes découvertes ou inventions (par mail
ou par l'intermédiaire de la Feuille du Jardin) et ne pas tout attendre des producteurs...
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L'autre solution pour parer aux petites quantités est ce que j'appelle le «ou-ou», quand il y a peu
d'un ou de plusieurs légumes, les maraîchers et/ou * les aides à la distribution, ils ont le droit de
s'impliquer*,* *peuvent préparer un choix entre par exemple : blette ou pâtisson ou oseille ; du
coup en plus grande quantité pour un légume, mais tout le monde n'aura pas de tout.
Et, en ce qui concerne le Jardin d'ADELES en particulier, mais j'estime pour ma part que cela
devrait être ainsi dans chaque AMAP (bien lire le contrat avant de s'engager !) :
*- **Savoir qu'il vous faudra aussi donner des coups de main au jardin ! *Si on est capable de
s'engager à un cours de danse ou de peinture (*une des excuses fréquentes de retard aux
distributions ou d'impossibilité de venir donner un coup de main !*), alors on doit pouvoir aussi
s'engager pour produire sa propre nourriture, retrouver ses racines et mettre un minimum les
mains dans la terre par solidarité avec le maraîcher et du coup mieux comprendre les contraintes et
aléas du métier.
Quand le producteur habite un peu loin, alors un chantier collectif chaque mois sur une journée
avec pique nique partagé, est un autre fonctionnement possible. Ou bien le remplacement pendant
les vacances (récolte et arrosage par exemple), mais cela nécessite d'être bien au courant. Je peux
vous garantir en tout cas que le travail dans la convivialité ce n'est que du plaisir !
L'AMAP est un formidable outil pour sauvegarder une agriculture locale et de qualité et pour
procurer un revenu décent aux producteurs. Mais il faut pour cela que chacun fasse un réel
effort : c'est un vrai bouleversement dans sa manière de vivre et de consommer. Le métier de
paysan aussi passionnant soit il, n'est pas un métier facile et leur nombre diminue de manière
très inquiétante continuellement.
* Alors préservez-les ! Aidez-les ! Soutenez-les !*
*Ils nourrissent le monde et sont l'avenir de la planète ! Et vous aussi !
Merci à tous les adhérents de Terre d'ADELES qui m'ont encouragée, soutenue, remerciée, ceci
quelque soit le contenu des paniers (trop, pas assez, pas aimé,...) Merci à ceux qui ont su compenser
le manque de quantité par le plus en «gustativité», à ceux qui m'ont aidée en pratique sur le terrain,
mais aussi par des idées constructives : ils m'ont donnée, avec la passion du jardinage, que du
bonheur ! Il y a des gens formidables, vraiment ! :-)
(http://amap.bassin.pagesperso-orange.fr/Fichiers%20PDF/Reflexions%20et%20conseils%20maraichere%20AMAP.pdf )

2 commentaires:

  1. Travailler plus qu'ils disaient, les riches!27 juin 2012 à 01:33

    "Ou bien le remplacement pendant les vacances"
    les quoi? les vacances!!
    "et des subventions ainsi obtenues"
    et pis quoi encore, pourquoi pas une crémière à 300€ par mois!

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  2. 300 euros ? t'es fou toi de nous allécher avec des sommes pareilles ???

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